À l'occasion de la sortie de Wanted - Portrait de sang, découvrez l'interview du scénariste David Boriau et du dessinateur Steven Dhondt !
Quelles sont les origines de Wanted ?
David BORIAU — Steven m’a contacté pour me demander un projet avec une narration inspirée par le manga ; comme ce que nous avions fait pour Obscurcia. Quelque chose de très aéré, avec beaucoup d’espace, pour permettre aux personnages et aux actions de se développer, mais avec du ressenti et de l’émotion. Je savais aussi qu’il voulait faire un western, que cela lui tenait vraiment à cœur. Or, il se trouve que la façon dont je vois le western – inspirée par les films de Sergio Leone et de Quentin Tarantino – implique de grands espaces, un rythme nerveux, et des actions très découpées. Pour être honnête, je n’ai jamais réussi à rentrer dans un western en bande dessinée. Je n’y retrouve pas la musicalité du western, y compris dans la gestion des silences. La bande dessinée a tendance à tout écraser. Pour Wanted, il fallait donc pouvoir ouvrir les cases, sur-découper, avoir des grands moments de silence... Si l’on passe à côté de tout cela, on perd l’essence du western.
Steven DHONDT — J’ai toujours aimé les grands espaces, dans la vraie vie ou dans la bande dessinée. Je suis un grand fan de Moebius, qui aimait ces immenses territoires vides ou presque, comme dans Arzach par exemple. J’aime aussi Boucq et son Bouncer, entre autres. Le western est un genre idéal pour ce type de décors. Quand David m’a présenté ses idées, j’ai tout de suite accroché. J’aime la façon dont il a développé ses personnages. Ils sont forts et originaux, avec toujours une particularité un peu bizarre. Pour un dessinateur comme moi, créer et animer des personnages aussi riches est toujours un plaisir.
Comment l’intrigue s’est-elle construite ?
David BORIAU —J’avais deux idées en tête. La première était celle d’évoquer les affiches « Wanted », qui sont omniprésentes dans les westerns, mais dont on ne parle jamais. On ne sait pas qui les fait, qui les imprime, qui les colle. Je voulais aussi que l’intrigue ait un vrai rapport avec la culture des Premières Nations. C’est à ce moment-là qu’est intervenu l’élément fantastique, avec la magie pratiquée par Dull, le dessinateur cheyenne et personnage principal du récit.
Vous mettez en scène un personnage principal cheyenne et une chasseuse de primes noire-américaine. Souhaitiez-vous aussi renverser certains clichés ?
David BORIAU — Dans Wanted, je voulais que chaque personnage appartienne à une culture spécifique, mais qu’ils aient tous un but commun. Dull est un orphelin cheyenne appartenant à une minorité qui se fait déposséder par la conquête de l’Ouest. Rose est une chasseuse de primes noire-américaine, dans un pays qui sort à peine de l’esclavage. De son côté, Oscar est le stéréotype parfait, présent dans tous les westerns : mâle, blanc, la quarantaine, un bon boulot, bien intégré dans la société... Ils sont tous trois issus de mondes très différents, mais ils marchent ensemble dans la même direction.
Steven DHONDT — Pour le design des personnages, David n’avait pas d’image spécifique en tête. Mais ce n’était pas grave. Ce qu’il avait écrit, sa description des personnages, m’ont suffi pour leur donner corps. Rose, parce qu’elle est une femme dans un monde d’hommes, devait immédiatement en imposer par ses vêtements, sa chevelure, sa posture, ses accessoires (silencieux, lunettes de soleil...). Au contraire, Dull est un adolescent, qui se définit beaucoup par son âge. Il est d’apparence beaucoup plus banale, ce qui m’a permis de facilement caractériser ses changements d’état d’esprit et d’humeur. Quand il est en colère, et qu’il empoigne son tomahawk, on ne le reconnaît pas tout de suite. C’est quelqu’un d’autre, presque une bête. Enfin, Oscar est un homme plus âgé, qui a le visage plus dur, plus marqué. Son apparence correspond plus à l’image que l’on se fait des habitants de l’Ouest durant cette période.
Steven évoquait les particularités bizarres des personnages. D’où est venue, par exemple, cette idée du silencieux sur le revolver de Silent Rose ?
David BORIAU — C’est un anachronisme volontaire. Le silencieux n’est apparu qu’au début du XXe siècle. J’ai été très influencé par la série télévisée Les Mystères de l’Ouest, dont on retrouve notamment le principe des gadgets dans Wanted. C’était donc une envie personnelle. Je veux que mes personnages, même s’ils sont secondaires, aient tous quelque chose d’emblématique. Cela permet de les incarner, d’en faire plus que de simples décors humains.
Steven DHONDT — Pour moi, cette démarche est évidemment très intéressante. Avec le western, on part avec de nombreux clichés en tête, qui font partie du folklore et du charme du genre. Je trouve que nous avons réussi à aller au-delà de ces idées reçues. Pour un dessinateur, il est plus motivant de trouver de nouvelles manières de représenter cette époque, plutôt que de rester cantonné aux clichés.
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